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Le business florissant des militants anti-vaccins aux États-Unis

publié le 12/07/2021

Pour les douze principaux militants anti-vaccins américains, la pandémie de Covid-19 constitue une opportunité de s’enrichir. Animant diverses entreprises et organisations à but non lucratif, ces militants génèrent ainsi plus de 35 millions de dollars de revenus annuels. Il s’agit du principal enseignement d’une étude du Center for Countering Digital Hate (CCDH), une ONG anglo-américaine qui analyse la désinformation en ligne, parue en juin 2021. Ces émetteurs de fausses informations tirent notamment parti de leur popularité accrue sur les réseaux sociaux (appels aux dons, opérations marketing…). Parallèlement, les plateformes bénéficient de cette audience croissante, qui leur permet d’engranger des revenus publicitaires.

Des émetteurs des contenus anti-vaccins peu nombreux, mais actifs

Selon le CCDH, douze personnes sont à l’origine de près de 70% des contenus anti-vaccins partagés sur Facebook, aux États-Unis, entre le 1er février et la mi-mars 2021. La majorité de ces publications émanent de seulement trois individus : Joseph Mercola, Del Matthew Bigtree et Robert F. Kennedy Jr.

Médecin ostéopathe, Joseph Mercola est notamment le fondateur d’un site qui promeut les médecines alternatives. Le producteur de films pseudo-scientifiques Del Matthew Bigtree, ainsi que Robert F. Kennedy Jr – le neveu de l’ancien président américain John F. Kennedy – sont quant à eux à la tête d’organisations anti-vaccins : respectivement, l’Informed Consent Action Network et Children’s Health Defense.

La désinformation anti-vaccins, une manne financière pour une poignée d’émetteurs

Au total, les douze militants anti-vaccins de premier plan identifiés dans le rapport sont liés à 22 entreprises et organisations. S’appuyant sur les dernières informations financières disponibles, les chercheurs estiment que ces entités génèrent un chiffre d’affaires annuel global d’au moins 35,8 millions de dollars. Employant au moins 266 personnes, elles ont par ailleurs reçu en 2020 plus de 1,5 million de dollars de prêts dans le cadre du programme mis en place par le gouvernement fédéral pour aider les acteurs économiques impactés par la crise sanitaire à payer les salaires. Les organisations rattachées à Joseph Mercola, qui comptent à elles seules au moins 159 salariés, ont été les principales bénéficiaires de ces prêts (617 500 dollars reçus).

Ces 12 activistes anti-vaccins, et leurs organisations respectives, cumulent 8,1 millions d’abonnés sur différents médias sociaux (Facebook, Instagram, YouTube et Twitter). Cette audience importante, qui s’est accrue avec la pandémie, est une composante centrale de la stratégie déployée par ces acteurs pour augmenter leurs revenus. Elle leur permet de lancer des appels aux dons, mais aussi de participer à des opérations marketing. A cet égard, les auteurs de l’étude montrent que les anti-vaccins collaborent sur certains projets (conférences…) et se font mutuellement de la publicité. Celui d’entre eux qui a un produit à vendre s’appuie ainsi sur d’autres figures de la mouvance. Ces dernières promeuvent le produit en question auprès de leur communauté et perçoivent une commission sur chaque vente.

Des infox génératrices de revenus publicitaires pour les médias sociaux

L’étude chiffre à 62 millions le nombre total d’abonnés à des comptes anti-vaccins sur Facebook, Instagram, YouTube et Twitter. Parce qu’ils sont exposés à de la publicité, ces abonnés sont des sources de revenus pour les médias sociaux. Selon le CCDH, le groupe Facebook (qui comprend les plateformes Facebook et Instagram) capte ainsi environ 1,1 milliard de dollars par an en revenus publicitaires grâce aux anti-vaccins. Twitter, pour sa part, pourrait compter sur environs 7,6 millions de dollars de revenus publicitaires annuels. Enfin, environ 707 000 dollars de revenus publicitaires annuels sont générés par 15 chaines anti-vaccins sur YouTube. La plateforme prélève 45% de cette somme, tandis que le reste revient aux créateurs de contenus.

Aux Etats-Unis, un petit groupe de militants anti-vaccins a ainsi fait de la diffusion de désinformation son fonds de commerce. Animant diverses organisations, ces individus collaborent et tirent parti de leur popularité sur les réseaux sociaux pour s’enrichir.

Face à cette situation, les plateformes pourraient réagir en multipliant le recours au « deplatforming », c’est-à-dire au bannissement des comptes problématiques. Efficace, cette pratique est pointée du doigt par les anti-vaccins. L’Informed Consent Action Network admet ainsi que « les actions de Facebook ont sévèrement réduit la capacité de l’ICAN à atteindre ses followers et à collecter des fonds ». Cette solution radicale implique toutefois que les grands médias sociaux renoncent aux revenus publicitaires engrangés grâce au trafic généré par les contenus anti-vaccins.

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