Changer le contexte, mais pas les obsessions : une analyse des publications complotistes
publié le 21/11/2022
Twitter, Instagram, TikTok… Les réseaux sociaux sont des espaces propices à la diffusion de fausses informations. Ces infox émanent le plus souvent d’un petit nombre d’émetteurs très actifs en ligne. Comment s’y prennent-ils concrètement pour rédiger leurs articles faux ou trompeurs ? Dans une étude publiée en octobre 2022, une équipe de chercheurs des universités de Neuchâtel (Suisse) et de Warwick (Royaume-Uni) a repéré des procédés sémantiques récurrents, mobilisés quel que soit le sujet.
Une expérience à grande échelle
Pour les besoins de l’étude, les chercheurs ont comparé la structure textuelle d’articles non complotistes à celle d’articles complotistes traitants des mêmes sujets (le Covid-19, la vaccination, les laboratoires pharmaceutiques, la 5G, Bill Gates…). Pour ce faire, ils se sont appuyés sur une base de données, baptisée Language of conspiracy (LOCO), qui recense des milliers de pages web conspirationnistes et non conspirationnistes issues de 150 sites internet.
Des textes complotistes divers et peu structurés
Cette analyse montre que les rédacteurs d’infox recourent à des sources diverses et parfois contradictoires pour étayer leurs théories. Ainsi, les articles complotistes abordent simultanément des sujets qui, dans des articles non-complotistes, ne sont pas nécessairement associés. Dans le cadre d’un article sur la vaccination par exemple, les médias non-complotistes parleront principalement de deux sujets connexes : le Covid-19 et les laboratoires pharmaceutiques. Du côté des complotistes, les sujets connexes seront bien plus nombreux : le Covid-19, les laboratoires pharmaceutiques, mais aussi Bill Gates, la 5G, le « Nouvel Ordre Mondial », ou encore le dérèglement climatique. Les complotistes ont ainsi tendance à « relier rapidement des idées mal articulées ». Selon les auteurs, cet aspect suggère un « certain degré de convergence » entre le spectre de la schizophrénie – se caractérisant par une perception altérée de la réalité – et l’adhésion aux théories du complot.
Comparaison de l’interconnexion des sujets dans les articles complotistes et non-complotistes
Quoi qu’il en soit, les chercheurs constatent que le brassage thématique amoindrit la « cohésion lexicale » des textes complotistes. Concrètement, les paragraphes qui sous-tendent ces publications – et contribuent à leur donner un sens – sont moins bien « imbriqués » que dans les articles non complotistes. Cela créer des incohérences.
Mais une croyance partagée
Chez les complotistes, ces incohérences sont toutefois neutralisées par une « méta-croyance », plus large, « dans la nature trompeuse des autorités ». Cette croyance partagée est systématiquement alimentée et renforcée par les textes complotistes. Aussi, bien qu’ils abordent divers sujets, ces récits se ressemblent tous. Les chercheurs indiquent que les mots employés varient en fonction du contexte, mais sont toujours tirés des mêmes champs lexicaux (ceux de la tromperie, du doute, des émotions négatives…).
En définitive, avec des milliers de pages web analysées, cette étude a le mérite de dégager deux grandes caractéristiques communes aux articles complotistes : ils sont thématiquement divers, mais globalement semblables. Ce constat pourrait alors notamment « aider à développer des algorithmes » de détection du langage conspirationniste. Quant au rapprochement entre schizophrénie et complotisme, l’étude rappelle la complexité du problème en précisant que « des recherches ultérieures devraient [y] prêter attention ».
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